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Le plan « soins palliatifs » 2015-2018 avait fait du domicile un axe majeur. Les infirmières libérales y ont un rôle phare dans la mise en œuvre des soins palliatifs. Coordination complexe, prise en soin multidimensionnelle et incluant l’entourage… la charge est lourde. Au risque d’un épuisement physique et psychologique. Et d’une mise en péril du maintien à domicile. Article paru dans le n°29 d'ActuSoins Magazine (Juin 2018).
Les deux soignants grimpent un escalier de bois bancal, comme on en trouve dans les vieux immeubles parisiens. Médecin coordinateur et cadre de santé du réseau de soins palliatifs à domicile Quiétude, ils ont rendez-vous avec Amélie Boulanger et Clémentine Fensch, les deux infirmières libérales (idel) qui prennent en charge Anissa (1), 88 ans et grabataire, avec une démence, dans un contexte de maladie de Parkinson « très évoluée ». Ce jour-là, il y a « d’importantes décisions à prendre concernant les traitements », justifie Amélie Boulanger.
Autour de la grande table de la cuisine, ils aborderont une heure durant avec la famille l’alimentation, les antalgiques, l’état général de la malade… Et surtout la balance bénéfice-risques d’une tendinectomie : celle-ci visant à redonner de la mobilité aux jambes très rétractées.
Au cœur de la discussion, le confort d’Anissa. A chaque point, le docteur Francis Diez, directeur du réseau, avance avec précaution et pédagogie : « Cela ne signifie pas un abandon de soins. Il s’agit d’éviterce que l’on appelle l’acharnement thérapeutique », explique-t-il en envisageant l’arrêt des transfusions à l’hôpital, traitant une anémie réfractaire.
Clémentine Fensch restera deux heures au total, pour prodiguer aussi un soin de nursing, administrer un traitement et parler avec Rosa, la petite-fille.
L’anticipation, condition du maintien à domicile
La prise en charge se révèle lourde pour des professionnels isolés. « Il n’existe rien de plus beau que d’accompagner une personne en train de finir sa vie. Mais c’est une grosse pression, estime Charline, infirmière libérale dans la campagne angevine, qui a précédemment exercé en unité de soins palliatifs. On n’a pas le droit à l’erreur. Il n’y aura pas de deuxième chance. »
Les infirmières libérales assument un rôle majeur, de coordination notamment.
« Dans l’élaboration et le suivi du projet de soins, elles peuvent et doivent avoir une place capitale », insiste le docteur Godefroy Hirsch, responsable de l’équipe d’appui départementale de soins palliatifs du Loir-et-Cher. Parce qu’elles sont souvent les seules soignantes présentes quotidiennement au domicile. Elles détiennent aussi la plus globale et ancienne connaissance du malade, qu’elles suivent parfois depuis le diagnostic. « Nous connaissons leurs habitudes de vie, leurs convictions religieuses, leurs relations avec leur médecin traitant, leur famille... », détaille Eve-Marie Cabaret, infirmière basée à Ligny-le-Ribault (Loiret).
Un atout clef, tant l’anticipation reste une condition sine qua non d’un maintien à domicile de qualité. La première étape consiste donc à identifier les fragilités – conjoint âgé, isolement, perte d’autonomie élevée – et les forces de chaque patient. « Plus on avance dans l’évolution de la maladie, plus la situation devient compliquée », explique Godefroy Hirsch, également co-auteur, avec Marie-Claude Daydé (infirmière libérale), d’un guide pratique sur les soins palliatifs à domicile (2).
Sur le plan médical ensuite, les soins de nursing, l’administration et l’évaluation au jour le jour des traitements requièrent une attention aigue aux détails. « Un changement de comportement, certaines mimiques ou un regard – à tel moment ou soin – sont des indices pour évaluer la douleur », précise Céline Desrumaux, infirmière libérale à Ennevelin (Nord). Objectifs : repérer un inconfort existant ou potentiel, prévenir des escarres, surveiller l’efficacité et la tolérance des traitements... L’enjeu étant également d’épargner au patient des hospitalisations inutiles.
Soin relationnel périlleux
La tâche est épineuse. Les symptômes – douleur, angoisse, dyspnée, risque hémorragique… - sont difficiles à réguler. Et les médecins traitants, prescripteurs désignés par les textes officiels, ne sont pas davantage formés aux soins palliatifs et/ou à la douleur que les infirmières libérales. Il faut aussi composer avec les déserts médicaux.
« Je me souviens d’une femme avec un cancer rénal évolutif, dont la douleur s’était majorée, poursuit Eve-Marie Cabaret. Or, la porte d’entrée à l’hôpital le week-end, ce sont les urgences. Est-ce leur rôle d’accueillir quelqu’un qui va mourir ? Est la place du patient, alors qu’il a besoin d’être seul ou en famille, mais surtout pas sur un brancard ? L’hôpital l’a gardé quinze jours sans modifier le traitement antalgique. Nous l’avons finalement fait admettre en unité de soins palliatifs. Mais la première hospitalisation, nous l’avons vécue comme un échec. Et l’époux de la patiente s’y est totalement épuisé. »
Par ailleurs, certaines décisions prises à l’hôpital s’avèrent mal préparées ou irréalisables à la maison. Le soin relationnel se révèle également périlleux. Le premier écueil tient au défaut de communication entre l’hôpital et la ville. « A-t-on parlé au patient de fin de vie ? de palliatif ? de soins de confort ? Souvent nous n’avons pas de compte-rendu d’hospitalisation avant quinze jours », poursuit cette infirmière. Dès lors, comment évoquer le sujet et s’enquérir des souhaits des malades ?
Pour Eve-Marie, les compétences en communication sont les plus importantes : « poser des questions ouvertes, reformuler, travailler sur l’intonation, respecter les silences, s’adapter au rythme du patient… L’hypnose conversationnelle m’aide beaucoup à ne pas induire de mots douloureux. »En respectant aussi les mécanismes de défense, tel le déni.
Pour les aidants, « un marathon »
Chez Anissa (1), le réseau sonde maintenant la santé des aidants. Rosa a laissé son emploi pour s’occuper exclusivement de sa grand-mère. Elle « s’est fait très mal au dos »en lui donnant un bain. Frédérique Lacour, cadre de santé de Quiétude, lui procure donc des conseils ergonomiques et les coordonnées d’un prestataire de matériel paramédical. « L’assistante sociale du réseau demandera un soutien financier si les frais sont trop élevés »,ajoute-t-elle.
Le fils de la patiente, qui rencontre le réseau sur l’insistance des deux infirmières, souffre d’hypertension artérielle. Francis Diez propose prudemment de mesurer sa tension. Verdict : 19 de systolique. « Il faut que vous consultiez votre cardiologue avant dix jours, insiste-t-il. Votre mère a besoin que vous alliez bien. »
La scène n’est pas anecdotique. La prise en charge de l’entourage fait partie intégrante des soins palliatifs. Il s’agit notamment de prévenir l’épuisement, par ailleurs susceptible de mettre en péril le maintien à domicile. « Pour les proches, c’est un marathon, note Charline. S’ils ne sont pas capables d’accompagner la fin de vie à la maison, je ne pourrai jamais compenser leur absence. »
Discrétion, adaptation permanente… Ecartelée entre sa connaissance du pronostic, le malade et ses proches, l’infirmière doit trouver la juste posture. « Il faut à la fois aider le patient à cheminer vers sa fin de vie, et la famille vers la fin de vie du patient. Et c’est terrible. »
Charge émotionnelle
Proches éprouvés, patients angoissés et douloureux, coordination complexe… Les soins palliatifs sont très chronophages. Disponibles 24 heures sur 24, les infirmières consacrent « de 20 minutes à trois heures par visite. Le plus souvent, c’est une heure », précise Eve-Marie Cabaret. « Cela peut durer plusieurs semaines ou mois. C’est la vie qui décide. Mon mari essaye de rentrer plus tôt de son travail. Ma mère garde mes filles le soir, poursuit Charline. Mais on donne beaucoup physiquement car les patients sont trop épuisés pour se tenir. »Au risque d’un effondrement physique et psychologique.
D’autant que la charge émotionnelle est intense. Dans l’intimité du domicile, des remparts s’effritent. « Ce n’est pas comme à l’hôpital où je me déguise en mettant ma blouse. Une dame avec un cancer du pancréas avait peur de la nuit et de mourir en mon absence, se souvient Amélie Boulanger. Chaque veille de week-end, elle pleurait à mon départ. A un moment, ça blesse. »
L’appui d’un réseau ou d’une équipe mobile de soins palliatifs - de leurs psychologues en particulier – est donc appréciable. Pour ajuster posture et dialogue au cours du soin, prendre du recul ou s’épancher.
Il importe enfin de savoir admettre ses limites. Et passer la main à des professionnels plus compétents ou nombreux : services d’hospitalisation à domicile, réseaux, ou unités de soins palliatifs pour des séjours de répit.
« A la limite du tolérable »
Le dernier plan national pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement en fin de vie 2015-2018, dont le domicile était un axe phare, doit maintenant être évalué. Sur le terrain, force est de constater que beaucoup reste à faire. Des soignants méconnaissent ou sous-utilisent les appuis. « Je suis toujours titillé par le fait que nous soyons peu contactés par les infirmières, mis à part les très sensibilisées, témoigne Godefroy Hirsch. Comme si elles avaient une capacité de résilience, de porter des trucs à la limite du tolérable. » De plus, « au domicile, il n’existe pas d’obligation pour les pouvoirs publics d’organiser les prises en charge en toutes circonstances » (3), pointe l’Inspection générale des affaires sociales (Igas).
Les recommandations de 2016 de la Haute autorité de santé et le Code de santé publique (L.4130-1), qui désignent les médecins traitants comme les « pivots » de cette prise en charge, paraissent en contradiction avec le contexte actuel. « L’Insee prévoit […] à l’horizon 2060 […] une hausse [du nombre de décès annuels] d’environ 50 %. […] Ces situations de fin de vie vont se complexifier sous l’effet combiné du vieillissement et de la prévalence de maladies chroniques et de maladies neuro-dégénératives », poursuit l’Igas (3).Or, les médecins libéraux sont déjà surchargés par cette évolution épidémiologique.
« On assiste un changement qualitatif – des médecins font moins de visites à domicile – mais aussi quantitatif, avec la baisse du nombre de médecins. Dans certains départements ruraux, des patients n’ont pas de médecin traitant », rappelle Godefroy Hirsch. Cette moindre disponibilité des médecins complique considérablement la tâche des infirmières.
Doit-on renforcer le rôle de ces dernières ? L’Igas plaide pour, à condition de revaloriser la « tarification des soins palliatifs infirmiers à domicile. » Et de ne pas alourdir encore leur charge.
Emilie Lay
Article rédigé et publié par Actusoins le 13 Février 2019.
(1) Le prénom a été changé
(2) Soins palliatifs à domicile : repères pour la pratique, éd. Le Coudrier, 2014, 29,50 euros
(3) « Les soins palliatifs et la fin de vie à domicile », janvier 2017
Deux outils pour guider les soignants
Pallia 10 vise à déterminer une inclusion en soins palliatifs. Facteurs pronostics péjoratifs, symptômes non soulagés… Sur la base de dix critères, Pallia 10 aide aussi à savoir quand recourir à une équipe spécialisée.
Samu Pallia (ou fiche urgence Pallia) est un formulaire de liaison qui synthétise en une page les coordonnées des intervenants à domicile, les symptômes et leurs traitements, les souhaits du patient… Objectif : répondre aux urgences, en favorisant le maintien à domicile.
Réseaux et équipes mobiles de soins palliatifs : des appuis aux libéraux
Réseaux de soins palliatifs à domicile et équipes mobiles de soins palliatifs hospitalières (EMSP) sont composées de médecins, infirmières, assistante sociale, psychologue. Dotés d’un rôle de conseil et de coordination, les réseaux ont été créés pour rompre l’isolement et le cloisonnement des professionnels.
Ils interviennent sur demande des professionnels ou des patients et leur entourage dans les situations complexes ou figées : symptômes (d’inconfort, douloureux, psychiques, etc) difficiles à réguler, questionnement éthique, vulnérabilité psychique et sociale… Ils apportent par ailleurs des temps de formation informelle pour les libéraux. Atout de ces équipes : du recul car ils ne sont ni prescripteurs, ni impliqués directement dans le soin.
Toutefois, dans certains cas (déserts médicaux, absence temporaire du médecin…), ces équipes peuvent initier une prescription en accord avec le médecin traitant.
Ces appuis existent partout. Mais dans certains territoires très étendus, leurs déplacements à domicile sont réduits. En outre, les EMSP conservent « une activité extra hospitalière limitée (7%) », regrette l’Igas (3).
Des prescriptions anticipées pour faciliter le travail
Les médecins, sur le conseil éventuellement de réseaux ou équipes mobiles de soins palliatifs, peuvent établir des protocoles anticipés, individualisés et adaptés à chaque situation. Ils permettent à l’infirmière libérale de réguler les symptômes en autonomie, afin d’éviter aussi des hospitalisations en urgence.
« Ces prescriptions détaillent les conditions de mise en œuvre de l’ordonnance, avec le produit présent à la maison pour une administration la plus prompte possible. Cela sécurise l’infirmière, la famille et le patient », précise Godefroy Hirsch, responsable de l’équipe d’appui départementale de soins palliatifs du Loir-et-Cher. A noter un délai de trois jours maximum pour récupérer des morphiniques à la pharmacie.
« Mais il faut revalider ces protocoles, en fonction de l’évolution de l’état du patient, rappelle Frédérique Lacour. A ce titre, « les informations transcrites dans le classeur restant au domicile doivent être objectives et utilisables pour tous les intervenants, insiste cette cadre de santé du réseau Quiétude (Paris). Si le patient est douloureux, nous devons indiquer à quel endroit, comment, etc. Cette précision permet de faire reconnaître l’expertise des idels. »
Après le décès : un cadre défaillant
Entre un décès et l’arrivée du médecin, les soignants adoptent, de fait, des mesures « de bon sens » : nettoyer les souillures pour rendre le défunt présentable, arrêter la perfusion… Des gestes éthiques, pour la dignité du défunt et pour la famille.
Légalement, il leur est interdit de toucher au corps avant le constat de décès, stipulent les textes règlementaires.
« Quand le décès survient la nuit ou le week-end, c’est horrible. Les urgentistes ne se déplacent pas pour ça. Et il n’y a plus de médecins de garde sur notre secteur, alerte Eve-Marie Cabaret, qui exerce en désert médical. Pour un décès un vendredi à 23 heures, la famille a dû attendre le lendemain midi, avec le corps qui reste à la maison. »
Le cadre règlementaire se trouve, là encore, en décalage avec la réalité du terrain.
Une nomenclature à revoir
« Lorsque la douleur d’un patient s’est aggravée, je suis repassée pour lui faire une demie ampoule d’Aldol. Au total, j’ai perçu 16,15 euros pour aller à 40 km de mon domicile, traverser toute la Sologne en croisant des troupeaux de biches et rester 1 heure 30 chez le malade, car sa femme et ses enfants étaient là », relate Eve-Marie Cabaret.
Dérisoires, les montants prévus par la nomenclature des actes infirmiers sont inadaptés aux soins palliatifs.
Les infirmières libérales ne perçoivent que cinq euros de bonus, correspondant à une majoration de coordination infirmière, pour chaque visite à un patient en soins palliatifs, et quel que soit l’acte pratiqué. Pour prévenir tout litige avec les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), il faut tracer en détail les tâches réalisées (surveillance, coordination…).
La toilette, elle, est payée 15,90 € pour une heure, même si elle doit durer plus longtemps. Or, en soins palliatifs, c’est un acte essentiel, « global, et pas juste un soin d’hygiène », rappelle Charline, infirmière libérale.
Quant à la cotation de l’évaluation de la douleur, elle n’existe pas. Pire : l’Assurance-maladie ne rétribue pas la dernière visite correspondant au décès du patient. « Pourtant, c’est la plus longue car il faut accompagner l’entourage. Humainement on y va. Administrativement, il n’y a pas d’acte à la nomenclature », regrette Eve-Marie Cabaret.
* Les montants sont bruts : les infirmiers libéraux payent environ 50 % de charges.